solo exhibition

Formations3.9.–3.11.2022Galerie C Paris

Opening:

Formation 1
3.9. - 24.9.2022
Formation 2
6.10 - 3.11.2022

 

« Au milieu du chemin de notre vie, ayant quitté le chemin droit, je me trouvai dans une forêt obscure. Ah qu’il serait dur de dire combien cette forêt était sauvage, épaisse et âpre, la pensée seule en renouvelle la peur, elle était si amère, que guère plus ne l’est la mort ; mais pour parler du bien que j’y trouvai, je dirai les autres choses qui m’y apparurent.Comment j’y entrai, je ne le saurais dire, tant j’étais plein de sommeil quand j’abandonnai la vraie voie, mais, arrivé au pied d’une colline, là où se terminait cette vallée qui de crainte m’avait serré le coeur, je levai mes regards, et je vis son sommet revêtu déjà des rayons de la planète qui guide fidèlement en tout sentier, alors la peur qui jusqu’au fond du coeur m’avait troublé durant la nuit que je passai avec tant d’angoisse fut un peu apaisée.Et comme celui qui, sorti de la mer, sur la rive haletant se tourne vers l’eau périlleuse, et regarde ; ainsi se tourna mon âme fugitive pour regarder le passage que jamais ne traverse aucun vivant.»

Dante Alighieri, La Divine Comédie, Chant premier, v.1310

La première exposition de Sabine Hertig à la Galerie C se déroule en deux parties : deux formations nécessaires pour appréhender au mieux l’oeuvre et le travail de l’artiste. Ces accrochages différents, dont l’un se tient 3 au 24 septembre 2022 et le deuxième du 6 octobre au 3 novembre 2022, montrent l’atlas de l’artiste, ses mondes faits de la matière de nos existences.

Grâce à des images d’archives ou des photographies -d’oeuvres, de scènes, de monuments ou d’événements -arrachées à des livres et magazines de seconde main, Sabine Hertig crée des collages picturaux. Ces derniers sont des environnements qui répondent à leurs propres règles, en pleine autonomie : ces collages sont des formations d’images -qui semblent, elles, appartenir à la mémoire collective- créant, là, des espaces clôts (série Untitled), ici des formes anthropomorphiques (série des Head ou des Body) ou encore des mondes monumentaux et totalement ouverts (série des Landscapes).

Une fois ces espaces définis, un jeu d’échelle s’opère. Entre le proche et le lointain d’abord et selon la position du regardeur.euse vis-à-vis de l’oeuvre : en prenant de la distance, l’aspect pictural du travail de Sabine Hertig nous parait, en effet, évident. À la manière d’une peintre, Sabine Hertig construit par des jeux d’ombres et de lumières, un espace perceptible, un paysage palpable et qui semble pour le moins unifié. Le détail prend le relais narratif lorsqu’on se rapproche de l’oeuvre et les photographies collées usent alors de leur force significative nous embarquant, à la manière d’un dessin totalement libre, dans une multitude d’histoires, d’associations, de références et de souvenirs. Dans le champ de vision du regardeur.euse apparaissent, dès lors, une foule d’images comme autant de réminiscences appartenant à nos histoires personnelles et aux grands récits collectifs.

Peinture, dessin, collage et photographie s’amalgament dans l’oeuvre de Sabine Hertig. Et les palettes et les modes opératoires de ces pratiques diffèrent de la conception usuelle que l’on s’en fait. En effet à la peinture, Sabine Hertig emprunte les variations de lumière, la tridimensionnalité de la représentation, les superpositions de couches picturales (ici faites de papiers découpés) et la possibilité d’étendre le tableau hors de son cadre physique. De la photographie elle adopte le cadrage qui vient harmoniser cette expansion et, au-delà du cadre, lui confère une réalité, une trace historique aux éléments collés sur la toile. Le collage, quant à lui, vient déjouer cet aspect significatif de la photographie pour créer, par l’assemblage de fragments d’images, un nouveau tout, une nouvelle réalité, un nouvel « ensemble atmosphérique ». Enfin par le biais du frottage, du ponçage ou l’ajout de traits d’encre, Sabine Hertig dessine. : elle modifie les contours, trop évidents, de certains fragments d’images et apporte une nouvelle gestualité au collage. Elle fait également apparaître des couches inférieures de collages qui vont révéler la présence d’une temporalité propre à l’oeuvre.

Cette relation au temps est l’une des forces des oeuvres de Sabine Hertig. L’artiste créé des espaces indépendants avec leur propre trame narrative mais qui paradoxalement, car composé des fragments de notre culture visuelle, apparaissent comme un condensé de notre histoire. Ainsi nous sommes transportés entre des temps anciens, ceux du présent et du futur. Du passé on observe ces images qui s’amoncellent sous nos yeux et qui représentent ici, une sculpture médiévale, là une photographie de presse, un animal ou mille et un autres motifs. Le temps présent est celui de l’expérience esthétique et narrative. Quand celui du futur nous amène, par ce qu’il comporte de force imaginative, dans ce que l’oeuvre peut projeter et ambitionner au-delà des limites physiques du tableau.

Comme un atlas, les oeuvres de Sabine Hertig sont autant de portes que l’on ouvre, de cartes que l’on déroule afin d’imaginer des mondes, des environnements où l’agencement et la composition des choses bousculent des ordres préétablis. Ici, à la manière de la pensée de la relativité, Sabine Hertig étend les limites du tableau et de sa perception comme l’on pourrait distordre le temps. Ses créations sont des ellipses artistiques dans laquelle se joue une infinité de scénarii.

Surgit alors le vertige : se retrouver face à un environnement d’images, un cosmos au répertoire familier mais dont l’ordre -mouvant et sans cesse bousculé par les différentes échelles de lecture- nous échappe et où il ne nous reste plus qu’à se laisser charrier par les flots, happé.e.s et transporté.e.s.

Ces deux accrochages de Formations sont un voyage dans un flux d’images. Et celles-ci constituent des mondes dans lesquels on peut explorer et naviguer sans cesse. Des mondes faits de la matière de nos existences.

 

Ausstellungsansicht Galerie C Paris